Le doute et le feu
Ce n’est pas si vieux, mais j’ai pourtant l’impression que cela fait une éternité. Il y a bien des points de détail un peu flous, mais de ce début d’après-midi il me reste des impressions très vives.
Je fais partie de ces hommes qui ont une confiance toute relative en eux. Je le déplore, je le regrette, et ce n’est pas un trait de caractère que je parviens à guérir aisément, encore moins durablement. Alors j‘apprends à faire avec, en me surprenant parfois à vivre des situations que mes méninges m’invitent pourtant fortement à fuir.
Je ne l’avais jamais vue. Tout ce que j’avais pu voir d’elle à ce moment là, c’était des bribes de son univers, de sa personnalité. Et comme je ne suis pas très raisonnable (ce que je considère très illogique au regard de mes doutes), j’ai très vite été séduit. Contrairement à toutes mes habitudes, nous avons évoqué une rencontre très rapidement.
J’avais arrangé mon emploi du temps, et j’étais un peu en avance. Je me promenais dans le vaste hall en attendant, le cœur battant. Mon téléphone à sonné. Sa voix… Sa voix !!! J’entendais le bruit de ses pas à travers le téléphone, en fond sonore de notre conversation. Je percevais ses talons qui claquaient sur le sol blanc immaculé.
- Tu es où ? Je suis bientôt là.
Un peu perdu, je ne suis pas familier des lieux. Mes explications ne sont pas claires, mais elle maitrise l’endroit.
- Au pied des escaliers, un couloir, une boutique, des restaurants. Tu les vois ?
- Oui, j’y suis.
- Ok, J’arrive … Mais … Ha, je crois que je te vois ! Je suis là, vers l’escalator …
- Je te vois ! J’arrive !
Je raccroche prestement et vais à sa rencontre. C’est terrible. sa silhouette se dessine, puis je devine son visage. Je vois son sourire.
Le doute …
Cette femme inconnue, que je découvre physiquement est sublime ! Une féminité assumée et affichée. Un sourire qui me charme sur le champ. Une démarche chaloupée, et cette voix … Cette voix !!!
Alors comment ne pas douter de moi ? Avec toutes mes imperfections ? Une femme comme elle doit être courtisée tellement souvent, par des hommes certainement bien plus séduisants que moi… Elle est parfaite, et moi imparfait…
Elle m’accueille chaleureusement, et nous allons boire un verre. Nous trouvons une table isolée, presque discrète. Elle est assise devant son thé brulant, et moi devant mon capuccino. En temps normal, dans une telle situation, je suis réservé, sur la défensive. J‘observe, je scrute. Mais pas cette fois. Je me sens étrangement, et merveilleusement à l’aise. Nous discutons de tout, de rien. Naturellement.
Nous évoquons mon écriture, qui a permis notre rencontre; nos vies, nos familles. Les mots me viennent facilement, et déjà, j’éprouve le plaisir d’être en sa compagnie. Tout en lui parlant, tout en partageant avec elle ces moments, je ne peux m’empêcher de douter. De temps à autres elle incline la tête, sourit, fronce son nez. Elle croise ses jambes. Ses yeux se plantent dans les miens. De petits détails, qui font croitre en moi le plaisir de sa compagnie, et le désir de continuer. Le désir de plus. Bien plus. Je suis bien. Vraiment bien.
Je redoute l’instant où il faudra la quitter, car je ne suis vraiment pas certain qu’il y aura un après …
Le temps passe vite, beaucoup trop vite ! Elle doit rejoindre son travail. Et moi aussi. Elle me propose de me raccompagner à ma voiture, ce que je m’empresse d’accepter, tant cela me comble de joie.
L’ascenseur. Quelques secondes pendant lesquelles mon esprit divague dangereusement dans des contrées plus sensuelles et franchement pas raisonnables. Nous sommes dans le vaste parking parfaitement éclairé. Par chance, je suis garé un peu loin et il nous faut marcher encore un peu. Je me surprends à a avoir envie de contact, d’effleurer sa main, de la tenir par le bras … Peu importe, mais un contact avec elle … Sans savoir pourquoi, cela est devenu brusquement vital.
Nous sommes devant ma voiture. il faut que l’on se quitte. On se fait part des moments agréables que nous venons d’échanger. Je voudrais rester là des heures. Avec elle.
Je sais qu’elle n’est pas très à l’aise, et qu’elle tient à une discrétion absolue. Je peux pas me résoudre à la quitter comme ça. Pas après tous nos échanges, pas après cette si belle rencontre. Nous évoquons la suite de nos échanges, et je saisis l’occasion…
- Tu crois qu’il serait possible de te faire une bise, là, juste pour avoir un avant-gout ?
Je scrute son visage, sa réaction. Elle sourit, et de sa voix que e ne peux me lasser d’entendre, elle me répond par l’affirmative….
Fugacement, mes mains se sont posées sur sa taille, et sur sa joue, non loin de sa bouche, j’ai déposé un baiser sage.
Le Feu …
J’ai alors ressenti sur mes joues une vague de chaleur brulante qui persistera de longues heures; bien après que nous nous soyons quittés. Une réaction physiologique incontrôlable à la hauteur des impressions laissées par cette rencontre.
L’impression d’avoir l’épiderme en feu. Littéralement. Nous nous sommes quittés. Et je n’avais qu’une envie. La revoir. Dans la voiture, tout en conduisant, il suffisait que je pense à elle pour qu’aussitôt, mes joues me brulent au point de devenir douloureuses. Je savais que cette réaction n’était pas anodine, qu’elle était annonciatrice de jolis moments à venir …